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Enquête DGSIP : recherches sur les champs de l’apprentissage et de l’éducation
Au début de l’année 2015, une enquête sur les recherches conduites dans le champ de l’apprentissage et de l’éducation a été lancée par la DGESIP.
Lors de la 3ème édition du Printemps de la Recherche en Éducation, en mars 2017, Marie-Claude Penloup et Claude Fabre, professeurs des Universités, sont venus présenter les résultats de cette enquête nationale. A cette occasion, revenons sur les conclusions et les suites de cette enquête ainsi que sur le lien entre formation des enseignants et recherche en éducation.
L'interview de Marie-Claude Penloup et Claude Fabre
Vous expliquez dans le rapport de l’enquête que la formation des enseignants doit faire appel aux connaissances produites par la recherche scientifique en éducation, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le lien entre formation des enseignants et la recherche en éducation ?
Dans le contexte de la refondation de l’école de la République (Loi de 2013) et de la création des Écoles Supérieures du Professorat et de l’Education (ESPE), l’accent a été mis très fortement sur l’adossement de la formation des enseignants à la recherche pour mieux relever les défis auquel est confronté l’enseignement scolaire, tout comme l’enseignement supérieur, d’ailleurs.Mais de quoi s’agit-il, au fond, quand on parle d’adosser la formation à la recherche ? Il s’agit, en formation initiale mais aussi tout au long de la vie professionnelle, de former des professionnels au fait des résultats d’une recherche qui produit les connaissances nécessaires à la compréhension des phénomènes éducatifs et contribue à l’évaluation des effets des actions et dispositifs mis en place. Cela implique que les enseignants connaissent cette recherche et en expérimentent la posture, en premier lieu via la formation initiale et tout particulièrement par l’élaboration du mémoire. Ensuite, via la formation tout au long de la vie, par des retours en formation à l’université ainsi qu’une mise en contact régulière avec des chercheurs dans le cadre de projets communs comme c’est le cas dans les LéA ou dans l’expérience menée en Auvergne-Rhône-Alpes d’un Institut Carnot d’Education. Cette mise en contact passe aussi par une meilleure visibilité des acteurs de la recherche et, sans doute, la création d’outils pour ce faire. Le but n’est pas d’appliquer des recettes issues de la recherche mais de nourrir les pratiques des enseignants et leur permettre de les interroger. Autrement dit, adosser la formation à la recherche ce n’est pas seulement informer sur des résultats de recherche, c’est former des professionnels à une posture réflexive indispensable pour penser un métier en forte évolution, les rendre capables de problématiser leurs expériences et d’améliorer, au final, la qualité du système éducatif. Cette mise à distance s’obtient en croisant sa pensée avec celle des chercheurs. Elle est d’autant plus importante que les questions d’éducation sont des questions vives dont tout le monde s’empare et que c’est un domaine où les discours d’opinion sont légion.
Que pouvez-vous nous dire de l’importance de la recherche en éducation pour un pays comme la France ?
Notre enquête n’avait pas pour objet d’évaluer la recherche en éducation mais elle a montré l’activité des chercheurs, partout en France, dans ce domaine. Nous avons ainsi identifié près de 1000 chercheurs déclarant tout ou partie de leurs recherches comme portant sur des questions d’apprentissage et d’éducation et on peut estimer qu’ils représentent une bonne moitié de l’ensemble des chercheurs français concernés. Nous avons pu recenser aussi de très nombreuses revues abritant les articles des répondants et constaté que les 33 revues les plus fréquemment citées étaient sur les listes établies, en son temps, par l’AERES. Plusieurs d’entre elles sont internationalement reconnues. La vitalité du champ de la recherche en éducation se mesure aussi au nombre de laboratoires recensés (275 par l’enquête nationale) et au nombre de thèses dirigées dans le champ (482 thèses soutenues depuis 2011 et 834 en cours ont été recensées dans la seule enquête). Cela dit, les recherches dans le champ de l’éducation, qui relèvent de très nombreux champs disciplinaires (40% des répondants sont rattachés aux sciences de l’éducation mais 60% relèvent d’autres disciplines), apparaissent comme très émiettées et nombre de chercheurs sont souvent isolés dans leur laboratoire. Cela affecte la visibilité des travaux effectués et rend nécessaire, si l’on veut optimiser leur circulation et l’adossement de la formation à la recherche, des modes de structuration et de diffusion à un niveau national.
Justement, en ce qui concerne la formation des enseignants dans les ESPE, comment les résultats de cette enquête pourraient-ils permettre une meilleure structuration du champ de la recherche en éducation, la mise en réseau et la collaboration des chercheurs ?
L’un des enseignements de l’enquête, c’est la dissémination des chercheurs sur diverses composantes de l’université. Les chercheurs français sur l’éducation ne sont pas tous rassemblés sur les lieux de formation des enseignants, loin de là. Nous avons ainsi constaté que moins de 40% des répondants relevaient d’une ESPE. C’est un point tout à fait intéressant qui plaide pour une vision ouverte de l’ESPE, en termes de projet concernant l’ensemble de l’université. Cela rend d’autant plus nécessaire une structuration qui rende visible, au niveau de chaque site, les forces de recherche, de façon à mieux coordonner les recherches entre elles mais aussi à faciliter les liens avec le terrain. Dans la mouvance de la création des ESPE, une telle structuration est déjà largement entamée avec une dizaine de fédérations de recherche existantes ou sur le point d’exister. Divers appels à projets ont aussi contribué, récemment, à cette structuration[1]. Il est absolument nécessaire que ce mouvement s’étende à l’ensemble du territoire français. Cela fournira l’une des bases à une structuration nationale qui nous paraît nécessaire pour des réponses à appels à projets d’importance et une augmentation du rayonnement à l’international. L’enquête fournit une photographie qui montre, on l’a dit, l’existence et le dynamisme d’un secteur de recherche mal connu qu’elle contribue, à côté d’autres rapports récents[2], à faire mieux connaître et à interroger. Elle mérite d’être complétée et que soient débattus les résultats exposés, mais elle permet d’ores et déjà aux différents acteurs de créer des liens et de se structurer localement ou nationalement sur des thématiques. Il serait sans doute pertinent qu'au niveau de chaque ESPE chacun puisse avoir accès à la liste des chercheurs et des enseignants‐chercheurs des unités de recherche de l’université intégratrice et des universités partenaires, ainsi qu'à celle des thématiques de recherche relatives à l’éducation, ce qui participerait de leur visibilité et favoriserait les mises en réseau. Il faudra sans doute inventer de nouveaux outils de diffusion des résultats de ces recherches à travers des espaces collaboratifs par exemple. Ce que nous pouvons affirmer c’est que ce premier travail, complémentaire à d’autres initiatives,[3] met en lumière le fort intérêt que la communauté des chercheurs porte à ce champ de recherche. Il montre qu’il existe un important potentiel dans le domaine.
Enfin, vous avez présenté vos résultats lors de la 3ème édition du Printemps de la Recherche en éducation qui a, cette année, donné l’occasion à de jeunes doctorants de présenter leurs travaux de recherche mais également le travail des laboratoires de recherche lors du Prix Poster Doctorant. En tant que membres du jury de ce Prix, quelles conclusions tirez-vous de cet événement ? Est-ce c'est pour vous un premier lien tissé entre la formation des enseignants et la recherche en éducation ?
Bien heureusement, le lien entre la formation des enseignants et la recherche en éducation apparaît plus tôt que lors du prix du Poster Doctorant. La formation des enseignants a été conçue pour mettre en contact les futurs enseignants avec la recherche et ses acteurs à tous les échelons de leur cursus : préprofessionnalisation, Master MEEF, formation continuée et continue. Son temps le plus fort se situe évidemment en deuxième année de master avec l’élaboration et la rédaction du mémoire. Le concours national, « mon mémoire MEEF en 180s », dont nous avons connu la deuxième édition en juin 2017, permet d’ailleurs de mettre en valeur ce lien entre la formation à l’enseignement et la recherche.Le Printemps de la Recherche en éducation, organisé chaque année, est une occasion de rencontre entre les ESPE et l’ensemble du monde de la recherche en éducation. Notre participation au jury du Prix Poster nous a permis de constater concrètement qu’il existait en France des chercheurs et des travaux de recherche en éducation d’excellente qualité, avec une grande variété de sujets abordés. L’attribution d’un prix est un événement stimulant et nous souhaitons qu’il soit pérenne.
[1] L’appel à Manifestation d’intérêt pour l’Institut Carnot d’Education expérimental en région Auvergne-Rhône-Alpes, l’appel à projet e-FRAN dans le cadre du Programme d’Investissement d’Avenir 2 (PIA 2) et même, pour un cas, l’action « Ecoles Universitaires de Recherche » du PIA 3.
[2] Le dossier n°1 du réseau national des ESPE : Les recherches en éducation et leur articulation avec la formation et le terrain ; le rapport des alliances Athéna et Allistene, en 2 volumes : La recherche sur l’éducation. Eléments pour une stratégie globale ;le rapport de Catherine Becchetti-Bizot, Guillaume Houzel et François Taddéi : Vers une société apprenante. Rapport sur la recherche et développement de l'éducation tout au long de la vie ;
[3] cf. note 2
Interview transmise par Marie-Claude Penloup et Claude Fabre, enseignants chercheurs, chargés de mission à la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, MENESR
Pour en savoir plus
Vidéo : Visionner l'intervention de Marie-Claude Penloup et Claude Fabre
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