R-ÉSPÉ : 10 ESPE engagées dans un programme d'échanges franco-mexicains

Dans le cadre du programme franco-mexicain, mis en place grâce à la collaboration entre la Coordinación General de Educación Normal y Actualización Docente del Estado de Coahuila de Zaragoza, les ESPE et le Ministère de l'éducation au Mexique, 63 étudiants et 10 enseignants mexicains ont été accueillis en France mi-septembre. Ils ont ensuite été répartis dans différents ESPE et suivront les formations jusqu'à mi-décembre. A l'occasion de cet accueil, Hélène Desormes, responsable de la cellule en appui au pilotage et à l’innovation à l’ESPE de l’académie de Poitiers et Mario Cottron, vice-président du Réseau national des ESPE, en charge de la commission partenariats et des relations internationales ont accepté de répondre à nos questions.

Hélène, Mario, racontez-nous ce qu’illustre cette photographie du partenariat franco-mexicain ?

Cette photographie a été prise il y a un peu plus de deux mois, lorsque nous avons accueilli à l’aéroport 53 étudiants mexicains se destinant à devenir enseignants et 10 professeurs des écoles normales du Mexique. Ces étudiants et professeurs effectuent un stage de 3 mois au sein de 10 ESPE (Aquitaine, Clermont-Auvergne, Grenoble, Lille Nord de France, Nantes, Centre Val de Loire, Poitiers, Reims, Bretagne et Toulouse Midi-Pyrénées).

Ce programme conséquent de mobilités longues de futurs enseignants mexicains et de professeurs de la formation initiale au Mexique s’inscrit dans le cadre des accords bilatéraux de coopération entre le Mexique et la France signés juillet 2015. La mise en  œuvre de ce programme avait été initiée par les ESPE de Créteil, Centre Val de Loire et Poitiers dès 2014, 5 ESPE ont été impliquée l’année passée, et ce sont aujourd’hui 10 ESPE qui y contribuent.

Hélène, en quoi consistent ces mobilités longues au sein des ESPE ?

Les étudiants mexicains sont en immersion au sein des ESPE et ont des activités comparables à celles de nos étudiants et stagiaires. Ils sont mis en binôme avec des collègue français (fonctionnaire stagiaire ou étudiant de M2 selon l’organisation particulière de l’ESPE qui accueille), et suivent donc une formation par alternance. Ils vont dans la classe, observent, contribuent aux activités des élèves, accompagnés par un tuteur terrain et par un référent de l’ESPE. A l’ESPE, ils suivent certains enseignements dispensés à nos deuxièmes années (didactique de certaines disciplines, analyse de pratique, usage du numérique éducatif). Ils bénéficient aussi d’apports spécifiques sur l’organisation de notre système éducatif, sur la culture commune que doit s’approprier un enseignant en France. Ce stage de 3 mois se conclue par un écrit et une soutenance, valorisés dans le cursus de ces étudiants mexicains en dernière année de formation.

Les professeurs des écoles normales suivent à l’ESPE des enseignements pour une part  identiques à ceux dispensés aux étudiants mexicains. Des apports très particuliers leur sont donnés comme par exemple sur la gouvernance des ESPE, sur le climat scolaire ou sur le système d’inspection et d’évaluation des enseignants en France.

Ce programme est coordonné par l’ESPE de l'académie de Poitiers, en lien avec le partenaire mexicain en charge de ces mobilités. Cette coordination nationale au sein des ESPE permet de répondre à un cahier des charges partagé par l’ensemble de nos ESPE.

Mario, ce partenariat franco-mexicain se limite-t-il à ces mobilités entrantes ?

L’ambition des autorités mexicaines est de repenser profondément l’organisation de son système de formation des enseignants. Actuellement, dans chacun des territoires mexicains, une école normale principale organise la formation initiale au sein de quelques dizaines d’écoles normales rattachées à ce territoire. Il s’en suit des pratiques de formation initiale et continue qui peuvent être très variées, en dehors d’un cadrage strictement national, et l’absence quasi-totale de contribution du supérieur à ces formations.

De nombreux responsables de l’éducation au Mexique se sont rendus en France, pour comprendre la réforme de la formation engagée depuis 2013. Deux délégations de directeurs d’écoles normales du Mexique ont déjà effectué des visites d’étude à l’ESENESR pour avoir une vision systémique de la formation en France, pour s’approprier nos modalités de formation des personnels d’encadrement et nos structures d’évaluation. Les ESPE participent aussi à la formation de ces collègues mexicains pour faire partager les fondements de la formation professionnelle et universitaire que nous portons, pour indiquer l’importance du partenariat établi entre le scolaire et le supérieur.

Quelques directeurs d’ESPE vont effectuer une mission au Mexique, accompagnés de représentants de la DREIC et du scolaire. L’objectif de cette mission est de conforter cette coopération, mais aussi de développer d’autres formes de partenariat, en déployant de la formation sur plateforme à destination des acteurs mexicains, en développant de nécessaires collaborations dans le domaine de la recherche en éducation.

Mario, pouvons-nous avoir une vision globale de la politique du Réseau national des ESPE pour ce qui concerne les relations internationales ?

Il faut en premier lieu indiquer que chacune des ESPE est persuadée de l’importance de l’apport de l’international dans la formation des enseignants, ce qui se traduit par des mobilités à l’étranger en  grand nombre pour nos étudiants de M1 et parfois dans quelques ESPE pour les fonctionnaires stagiaires. Nous mesurons les bénéfices d’une approche comparée des pratiques didactiques et pédagogiques et d’une immersion dans un environnement éducatif différent. Cela contribue, pour les étudiants participant à ces échanges, à porter un regard sur d'autres politiques éducatives et d'autres façons de traiter les problèmes que rencontre l'institution (échec scolaire, violence à l'école, relation aux familles, enseignement des langues,...). Cette décentration permet de mieux analyser leurs choix, de mieux cerner leur future identité professionnelle et de mieux comprendre le système éducatif français et son fonctionnement. Mais d’autres actions se développent à l’international au sein de nos écoles, des actions de formation de formateurs, des actions relevant de la solidarité éducative, des activités d’expertise auprès de partenaires étrangers.

Concernant le Réseau national, dès sa création, nous avons institué une commission permanente en charge des dossiers relevant de l’international. Cela se traduit par des réponses conjuguées qui nous permettent de mutualiser nos compétences et expertises.

Outre ce partenariat franco-mexicain, je pourrais citer notre contribution en appui à la politique de réforme engagé au Maroc de son système éducatif où nous nous coordonnons pour répondre à des aspects touchant à la formation initiale, au pilotage du système de formation, à la spécificité du domaine des métiers. De nombreuses opportunités existent pour que le Réseau, en collaboration avec Canopé ou l’ESENESR, répondent à des besoins de refonte des systèmes de formation, dans plusieurs pays d’Amérique du sud, des Caraïbes, d’Afrique.

Je tiens à signaler deux autres aspects qui traduisent le dynamisme du Réseau. Nous allons répondre à l’appel à projet ERASMUS pour faciliter les stages à l’étranger de nos fonctionnaires stagiaires, et c’est le Réseau lui-même qui sera le référent de ce projet. C’est aussi le développement de la recherche à l’international qui doit aussi constituer une de nos ambitions. En lien avec la commission permanente en charge de la recherche, plusieurs contact se concrétisent qui doivent mener à partager avec des scientifiques d’autres pays des activités de recherche dans le champ de l’éducation et de la formation.

Hélène Desormes est responsable de la cellule en appui au pilotage et à l’innovation à l’ESPE de l’académie de Poitiers. Elle coordonne au niveau national le programme de mobilités des étudiants et professeurs mexicains.

Mario Cottron est directeur de l’ESPE de l’académie de Poitiers. Il est vice-président du Réseau national des ESPE, en charge de la commission partenariats et des relations internationales.