Éditorial

Brigitte MARIN* & Dominique BERGER**

* ESPE de l’académie de Créteil, CIRCEFT / brigitte.marin@u-pec.fr

** ESPE de l’académie de Lyon, HESPER / dominique.berger@univ-lyon1.fr

Comme l’illustrent ces actes inauguraux du « Printemps de la recherche en ESPE 2015 », la recherche en éducation est caractérisée par un réel dynamisme qui se traduit par la diversité de ses objets et des cadres de référence sur lesquels elle s’appuie.

Au delà du calendrier annuel, le Printemps de la recherche en ESPE est celui de la renaissance et de la refondation de l’école. Ces métaphores, végétale et architecturale, soulignent l’intention du réseau des ESPE de reconduire chaque année cette manifestation scientifique, en la renforçant, pour donner une robustesse croissante aux recherches qui y seront exposées. L’image architecturale dessine les lignes politiques d’un choix de société fondé sur la réduction des inégalités, l’un des principaux objectifs à l’origine de la création des ESPE. C’est pourquoi la visibilité de nos recherches et leur nécessaire vocation cumulative jouent un rôle essentiel dans ce défi collectif.

Chaque programme de recherche est une brique de l’édifice à construire pour bâtir une école plus juste où apprendre est à la portée de tous.

Pour cela, comment et pourquoi articuler recherche et formation ?

Pour transposer le problème que rencontre le praticien en un problème construit par le chercheur, pour aller au-delà des constats, et permettre d’analyser les situations quotidiennes d’enseignement et de formation. Cette facette de la problématisation a d’ailleurs été évoquée par Bernard Rey lors de la conférence inaugurale.

Le Réseau national des ESPE s’est saisi de ces questions lourdes de sens. Il tient à y apporter des réponses concrètes. Les premières réponses, matérielles, se donnent sous la forme d’actes de ce colloque, en s’assignant deux exigences : rigueur scientifique et diffusion de résultats de recherche accessibles aux professionnels de l’enseignement et de la formation.

La recherche en – et autour des – ESPE traite aussi bien de questions pragmatiques que d’approches herméneutiques ou heuristiques ayant pour fonction première d’irriguer les contenus de formation initiale et continue. Elle a toute sa place dans l’accompagnement des équipes pédagogiques des établissements scolaires et le suivi de leurs démarches d’innovation/intégration de résultats de la recherche dans leurs projets.

La recherche en ESPE contribue également à la formation des formateurs et des cadres de l’Éducation nationale, notamment en favorisant leur participation à des projets de recherche impliquée et de recherche–intervention en éducation, portés par les enseignants-chercheurs et les formateurs.

Elle prend différentes formes : travaux scientifiques ancrés dans les disciplines universitaires et approches complexes dans une perspective internationale pluri- ou multidisciplinaire de l’éducation, recherche de haut niveau avec développements de partenariats, réponses à des appels d’offres inscrites dans une dynamique internationale et articulées autour de laboratoires existants. Ceux-ci participent au développement d’une identité propre à la recherche en éducation, autour des Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation.

Située dans un environnement social et territorial, la recherche en éducation s’empare des questions de réussite éducative, des inégalités, de la citoyenneté et de la responsabilité, dans leurs déclinaisons didactique, disciplinaire, historique, philosophique, psychologique, sociale, éthique, sans oublier leurs expressions contemporaines (« Éducations à », éducation à l’égalité filles/garçons, à l’environnement et à la durabilité, aux médias, à la santé…).

Le développement de la recherche en ESPE concerne aussi bien les spécificités de l’enseignement primaire et secondaire que les problématiques de la pédagogie de l’enseignement supérieur. Il présente ainsi des enjeux sociaux forts qui relèvent de la construction de la professionnalité des futurs enseignants, de la polyvalence, de l’organisation du travail, de la remédiation, des relations avec les familles, des trajectoires professionnelles, de l’innovation, des nouvelles formes d’enseignement, des « Éducations à », des inégalités et des discriminations.

La recherche en éducation occupe une place importante dans les parcours de masters où l’initiation à la recherche développe la posture réflexive des futurs professionnels de l’éducation et des professionnels en exercice. Dans le cadre de leurs formations, les étudiants doivent bénéficier d’une formation à la recherche autour de leurs métiers respectifs (enseignants, documentalistes, conseillers d’orientation, professionnels de l’éducation). La dimension professionnelle recouvre largement la thématique de la professionnalité des métiers de l’éducation, de l’enseignement et de la formation, en prenant évidemment en compte les spécificités inhérentes aux différents publics (école, collège, lycée, formation de formateurs, futurs universitaires) et les continuités nécessaires entre les niveaux d’enseignement.

Cette construction de la professionnalité ne saurait être entendue sans une formation à – et par – la recherche dans les champs disciplinaires mobilisés et/ou faisant partie des disciplines à enseigner. Il s’agit là d’acquérir, par une activité de recherche, la pratique même de cette démarche ainsi que d’ouvrir largement aux enjeux des cultures disciplinaires concernées. Enseigner une discipline est en effet indissociable d’une connaissance des enjeux épistémologiques et des débats qui traversent méthodologiquement et théoriquement les différents champs de connaissance.

Il s‘agit également, dans la continuité d’une formation tout au long de la vie, d’entretenir et d’actualiser ces savoirs par l’intermédiaire de temps de formation continue durant lesquels la reconnexion avec les problématiques vives de recherche doit être assurée. Dans cette perspective, il est attendu que les (futurs) enseignants et formateurs aient accès à un apprentissage des modes d’élaboration et de validation des savoirs scientifiques, et à une nécessaire formation aux différents outillages épistémologiques. La recherche intervient donc dans le cadre des formations et de l’encadrement des mémoires de masters, par l’intermédiaire de l’intervention des enseignants-chercheurs.

Cette formation à la recherche apparaît fondamentale dans la perspective de mettre en synergie trois types d’enjeux indissociables : scientifiques, pédagogiques et sociétaux. Il s’agit de mettre en œuvre des dispositifs et des recherches dont l’une des finalités est de permettre le transfert des résultats dans les formations. De même, la question du transfert des résultats de recherche sur les pratiques d’enseignement comme sur les dispositifs éducatifs et/ou pédagogiques se pose avec force. Deux voies sont a priori possibles :

  • En formation initiale et continue, l’irrigation des enseignements portant sur l’exercice du métier par des données de la recherche. Cet aspect de la formation par la recherche permet de développer chez les étudiants une aptitude à l’innovation dans l’exercice de leur métier en leur fournissant la méthodologie et les contenus nécessaires.
  • L’enrichissement des projets pédagogiques des équipes d’enseignants des établissements, par intégration de données de la recherche dans ces projets.

En lien direct avec l’innovation, cela permet d’explorer de nouvelles dimensions, de nouvelles formes d’apprentissage et d’enseignement et d’en évaluer l’impact pour être en mesure d’exercer pleinement cette dimension de la transmission et un esprit critique et argumentatif. La formation (initiale et continuée) à la réflexivité doit constituer un élément du socle nécessaire pour promouvoir, au sein des formations, une éthique de la connaissance et de ses modes de transmission en vue de favoriser le goût de l’innovation, à la fois chez les étudiants, les formateurs et les équipes pédagogiques.

Il est aussi important que la recherche produise des connaissances en relation très étroite avec les besoins du milieu éducatif, le corpus de connaissances à un moment donné ne permettant probablement pas de lever tous les verrous scientifiques rencontrés. Pour répondre à cette problématique, des recherches dont les sujets sont issus directement des préoccupations du milieu éducatif sont développées en ESPE. Ce milieu est composé de professionnels de l’éducation et de l’encadrement (corps d’inspection, chefs d’établissements et de structures éducatives). Dans le cadre d’un lien fort entre ces professionnels et les chercheurs, la mise en synergie des compétences multiples, les approches disciplinaires, trans- et pluridisciplinaires contribuent à mettre en œuvre des protocoles originaux. Ce lien privilégié avec le milieu professionnel est l’une des caractéristiques les plus marquantes des recherches en ESPE.