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Des disciplines scolaires en mutation ? Regards croisés France, Québec… et ailleurs
Sous la direction de Johanne Lebrun et Nicole Tutiaux-Guillon
Présentation de la revue Spirale
Spirale est une revue de recherches en éducation et en formation, reconnue par l’AERES. Elle est publiée avec le concours de l’ÉSPÉ Lille–Nord de France et de l’université Charles de Gaulle - Lille 3 et de son département des Sciences de l’éducation.
Présentation du numéro 58
Depuis plus d’une décennie, à des rythmes divers selon les contextes, des changements curriculaires et disciplinaires profonds interviennent dans les systèmes scolaires. Ils sont légitimés par des principes (approches par compétences, enseignement de base, approches interdisciplinaires, domaines généraux de formation, formation tout au long de la vie etc.) qui s’inscrivent souvent dans un pilotage par les outputs et dans une préoccupation d’évaluation des systèmes éducatifs : il s’agit de les ajuster aux attentes présumées de l’économie et de la société contemporaine, ou de satisfaire des exigences d’harmonisation internationales. La mission d’orientation et d’insertion professionnelle assignée à l’École, plus vive en raison d’un contexte de crise et d’accélération des mutations, affecte les contenus prescrits. La demande sociale apparaît multiforme voire contradictoire, tendue entre des échelles variées du local à l’international, et relayée par des canaux divers : institutionnels, professionnels, politiques, médiatiques. En outre, depuis quelques décennies, les domaines de référence des enseignements se sont diversifiés et complexifiés : d’une part les champs scientifiques se sont ouverts vers de nouveaux savoirs (par exemple les savoirs vernaculaires en géographie culturelle) et de nouvelles pratiques d’investigation (par exemple par l’utilisation des TIC), d’autre part les références des savoirs scolaires empruntent aux enjeux sociaux vifs, y compris désormais pour le secondaire (par exemple dans les enseignements technologiques), enfin l’épistémologie et l’histoire des savoirs sont entrées parfois dans les références scolaires (par exemple dans les enseignements scientifiques). Dans cette dynamique, les disciplines scolaires sont bousculées, redéfinies, parfois refondées dans leurs contenus, leurs méthodes ou démarches, leurs pratiques, leurs dispositifs de classe, leurs finalités, leurs structures, leurs contours, leurs frontières. Ces changements impliquent une évolution du métier d’enseignant qui modifie la professionnalisation et la formation : accentuation de ce qui concerne la socialisation des élèves, orientations vers le travail interdisciplinaire, la prise en compte de l’actualité et des problèmes sociaux, mais aussi vers l’invention d’un enseignement « par situations » adapté à la construction progressive par les élèves de leurs compétences. L’affirmation institutionnelle de la liberté pédagogique transfère aux enseignants des choix de contenus et l’organisation de la cohérence des curricula alors même que les prescriptions nouvelles suscitent d’importantes tensions auxquelles les acteurs réagissent différemment. En effet les enseignants sont censés faire le programme en ajustant leur enseignement disciplinaire aux prescriptions transdisciplinaires, en opérationnalisant les recompositions disciplinaires prescrites, en transformant une finalité en contenu d’enseignement, en tissant des liens explicites pour les élèves avec d’autres disciplines… Ils doivent faire face dans le même temps à des prescriptions multiformes : adaptation classique des curricula à l’évolution des savoirs ou des pratiques sociales de référence, pour éviter la sclérose des savoirs scolaires ; adaptation des contenus, des méthodes et des finalités à des mutations économiques et sociales, pour (r)établir des liens entre les disciplines scolaires et des impératifs sociaux, culturels et politiques ; valorisation de différentes « éducations à » ; reconfiguration des découpages disciplinaires installés sur le XXe siècle ; structuration des programmes autour de compétences qui sont censées assurer des liens entre les savoirs enseignés ; apprentissages de capacité, de compétences ; évolution des examens ; nouvelles pratiques comme celle du débats qui bouleverse les postures traditionnelles de l’enseignant et des élèves ; etc.
Les discours institutionnels insistent partout sur la visée de qualité et d’efficacité. Mais le processus des transformations curriculaires et disciplinaires est loin d’être limpide, y compris dans les leviers et les réticences – voire les résistances – qui l’accompagnent. Les contextes nationaux, sociaux, économiques et politiques – par exemple ici ceux du Québec et de la France ou de l’Espagne – introduisent des variations notables, des enjeux et des débats spécifiques. En outre, les changements repérables diffèrent entre prescription, effectuation de l’enseignement, apprentissages et évaluation des acquis. La perspective internationale de ce numéro, à travers des contributions variées et des articles comparatifs, engage à raisonner ce constat. En outre, les fondements sur lesquels s’appuient les mutations contemporaines sont loin d’être homogènes et stabilisés. Pour ne prendre que l’exem¬ple des compétences qui dans le monde entier ont fait leur entrée dans les prescriptions, le rôle de l’épistémologie dans leur définition, les types de ressources permettant de les construire, le rôle des expériences spécifiques prescrites institutionnellement ou simplement vécues, l’opérationnalisation de ces compétences (modalités de programmation, d’enseignement et d’apprentissage, d’évaluation, …), sont diversement intégrés. Québec et France ont connu – sur des rythmes différents – des changements que les chercheurs des deux sociétés interrogent ; l’appui pris ici sur les travaux en sciences de l’éducation, la recherche là d’un compromis avec les traditions pédagogiques et didactiques conduisent-ils à des évolutions différentes des disciplines ? Que nous apprend la comparaison des enjeux sociaux de ces changements disciplinaires ?
Avec les contributions de
- Sylvie Considère (ESPE-LNF)
- Jean Simonneaux (ENSFEA)
- Antoine Thépaut (ESPE-LNF)
- Christine Vergnolle-Maynar (ESPE Toulouse Midi-Pyrénées)