Regards pluriels sur la littérature de jeunesse

La littérature de jeunesse est incluse dans les programmes de l’école et du collège. Elle contribue à l’acquisition d’une culture littéraire mais ce n’est qu’à partir de 1990 qu'elle a été pleinement prise en compte. D’abord à l’école primaire où, suite au Rapport Migeon de 1989, une série de plans lecture a été initiée, et s'est poursuivie tout au long de la décennie, jusqu’au nouveau plan pour les arts et la culture à l’école. Ensuite au collège, où les Instructions officielles de 1996, 97 et 98 ont prévu la diffusion de trois listes d’accompagnement d’œuvres pour la jeunesse (renouvelées en 2004, 2012, 2014), bientôt complétées par celles destinées à l'école (cycle 3 en 2002 et 2004 ; cycles 2-3 en 2007 ; cycles 1-2-3 en 2013).
La littérature de jeunesse s'est donc progressivement imposée à l'école comme au collège, et son rayonnement a été tel qu'elle est parfois sortie de la classe de français pour toucher d'autres disciplines comme les langues vivantes ou la philosophie.
Toutefois, son statut n'est pas le même dans le premier et le second degré : alors qu'elle est considérée comme un support de choix pour « entrer en littérature » à l'école, elle reste en concurrence avec les œuvres patrimoniales dans le secondaire et doit trouver sa place. Les nouveaux programmes de français pour le collège de 2008 la relèguent ainsi à la lecture cursive par opposition aux textes littéraires classiques étudiés en classe. De plus, plusieurs chercheurs ont montré que les enseignants des premier et  second degrés relevaient de cultures scolaires différentes quant à la conception et à l'enseignement de la littérature. D'un côté, il s'agit avant tout de lire et d'étudier de « belles » œuvres dont la littérarité est immanente, en faisant appel à des outils d'analyse transposés des savoirs savants pour construire une posture lettrée ; de l'autre, on vise une certaine appropriation personnelle de la littérature en adoptant une perspective de réception des textes et en accordant au lecteur une place centrale.

Ainsi, à l'heure où le récent décret du 28 juillet 2013 conduit à une réorganisation des cycles du primaire et du secondaire (le « cycle de consolidation » regroupant, à partir de 2017, le CM2 et la 6e) et où les nouvelles « listes de lecture pour les collégiens » proposent désormais une rubrique CM2/6e, il semble donc important de questionner la place et le rôle de la littérature de jeunesse à l'école et au collège, d'un point de vue institutionnel mais aussi didactique et interdisciplinaire. Comment la littérature de jeunesse a-t-elle pris position dans le primaire et le secondaire ? Que révèlent l'évolution et la réactualisation des listes officielles ? Quels corpus sont effectivement lus ? Quels sont les usages de la littérature de jeunesse à l'école et au collège, en classe de français (y compris en unités spécialisées) mais aussi dans d'autres disciplines ?
Cet ouvrage se propose de répondre à ces différentes questions à partir de contributions : larges synthèses, présentation d'enquêtes, analyse plus spécifiques de séances et de séquences (autour d'un genre, d'un auteur, d'une œuvre, ou de pratiques : carnet de lecture, débat interprétatif, projet d'écriture, atelier philo).
(Lydie Laroque)